
25 août 2023
Une femme de 65 ans est décédée en Guyane ce 23 août après avoir été piquée par des abeilles tueuses. Quatre autres victimes sont en urgence absolue. Connues en Amérique centrale, ces « abeilles africanisées » sont des hybrides échappés d’un laboratoire.
Une équipe de chercheurs brésiliens vient de mettre en évidence la molécule qui rend les abeilles tueuses américaines si agressives par rapport à leurs cousines européennes.
Des centaines d'abeilles qui poursuivent leurs victimes sur des kilomètres : ce n'est pas la scène d'ouverture d'un film d'horreur mais bel et bien une stratégie mise en oeuvre lorsque ces "abeilles tueuses", se décident à attaquer. Pour le plus grand malheur des américains. Et pour cause ! Ces hyménoptères munis d'un dard se sont déjà rués sur des humains de l'autre côté de l'Atlantique.
Pourtant, de prime abord, il est impossible de les différencier de leurs gentilles cousines européennes. Elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau et leurs piqûres sont aussi douloureuses ou toxiques l'une que l'autre. Ce qui sépare une abeille tueuse d'une abeille européenne et qui lui vaut sa réputation sulfureuse, c'est son incroyable agressivité.
Une espèce hybride redoutable
Les killer bees sont issues d'un croisement entre les abeilles européennes (Apis mellifera ligustica et Apis mellifera iberiensis) et les abeilles africaines (Apis mellifera scutellata), d'où leur autre nom d'abeilles "africanisées". Mais comment des reines du Vieux Continent ont pu rencontrer des cousines africaines et immigrer aux Etats-Unis ? L'histoire remonte à 1956. Cette année là, le gouvernement brésilien importe 49 reines d'abeilles africaines afin d'améliorer la résistance de ses abeilles à miel (des abeilles européennes) qui sont victimes de maladies et souffrent du climat. Aussitôt, ces nouvelles arrivantes s'accouplent avec les autochtones et créent une espèce hybride. Sans le savoir, ils viennent de créer un monstre. Tout était sous contrôle jusqu'à ce qu'un an plus tard, 26 essaims s'échappent du centre et commencent à coloniser l'Amérique du Sud. Très vite, les fugitives remontent vers le Nord et atteignent les Etats-Unis dans les années 90.
Comment le croisement entre une paisible butineuse européenne et sa cousine africaine un peu agitée a-t-elle enfanté de terribles abelha assassina (abeilles assassines en brésilien) ? C'est la question que s'est posée l'équipe de Mario Palma, biochimiste à l'Université de São Paulo.
Les chercheurs ont comparé, au sein d'une colonie d'abeilles africanisées, le cerveau des individus les plus féroces et celui des sujets dociles. Pour les différencier, ils ont lancé une balle en cuir devant une ruche. Ils ont ensuite récupéré des abeilles dont le dard était coincé dedans, soit les plus agressives, et des abeilles "sages" qui étaient restées dans le nid. Ils ont gelé leurs deux groupes, ont découpé leurs cerveaux en rondelles et ont analysé les protéines en présence. Et ils ont trouvé ce qui rendait les abeilles si féroces...
Mieux comprendre le comportement des insectes
Leurs résultats, parus dans le Journal of Proteome Research, mettent en évidence la présence de deux protéines : l'allatostatine et la tachykinine dans le cerveau de tous les insectes. Mais chez les "tueuses" ces protéines interagissent et forment des neuropeptides (AmASTs A et AmTRPs). C'est à dire des molécules qui jouent le rôle de modulateurs dans le cerveau. Et ces derniers seraient les déclencheurs de ce comportement d'hyper agressivité. En effet, dans le cerveau des abeilles restées tranquillement au nid, aucune trace d'une telle réaction et aucune formation de neuropeptides. En revanche, lorsque l'équipe de Mario Palma a constaté qu'en injectant ces fameux peptides dans le cerveau de jeunes abeilles non-agressives, celles-ci devenaient alors aussi féroces que leurs aînées qui avaient attaqué la balle.
Ces mêmes neuropeptides se retrouvent chez d'autres insectes mais ils n'ont pas la même incidence. Ils servent notamment à réguler le comportement alimentaire et la digestion. En revanche, ils sont aussi liés à l'agressivité chez les mouches des fruits ou même chez d'autres espèces comme les souris.
L'équipe espère que ces recherches permettront de développer une technique pour protéger les humains de ces redoutables insectes. Ces résultats pourraient aussi permettre de comprendre un peu mieux la façon dont les signaux moléculaires agissent sur les circuits neuronaux pour réguler le comportement. Et pas seulement chez les insectes mais aussi chez les humains.
Source : Science Avenir
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